Document original mis à notre disposition par

le  Centre de  Documentation  Historique sur l'Algérie

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Extrait du guide Dalles de 1879 concernant Blidah

 

 

De Beni-Mered à Blidah, on touche presque les pentes de l'Atlas et on en distingue les moindres détails. Prenant le  fort Mimich, qui  domine Blidah comme point de repère, on voit à dr la naissance des gorges de la Chiffa ; à g. le ravin de l'Oued-el-Kebir, qui nous cache ses cascades, ses usines et ses maisons de campagnes, entre les deux la ville. Cà et là, sur les lianes de la montagne couronnée d'une foret de cèdres, de blanches   kôubbas égayent le paysage d'un ton gêneral assez sombre.

51 K. Blidah. (El-Boleida, la petite ville) 15225 hab. Les  arabes ajoutent souvent à son nom l'épithète de voluptueuse, presque courtisane. Un marabout voyageur l'a saluée, à la façon de Chapelle et Bachaumont,  d'un gracieux madrigal: on t'appelle petite ville  et moi je t'appelle petite rose. Heureuse ville, qui na jamais éveillé que des pensées d'amour et qui doit peut-être à cette circonstance, d'avoir eu une existence paisible, puisque l'histoire l'a presque oubliée !

Histoire.* Blidah tient en effet peu de place dans les livres du passé. L'épigraphie n'a fourni aucun document qui permette de connaître son nom, si elle en avait un, sous la domination romaine. C'était probablement un délicieux jardin dont le propriétaire, peu soucieux de la postérité, laissait les légions conquérantes prendre directement le chemin d'Icosium (Alger) à Tanaramusa (La Chiffa et Mouzaïa), et descendre ensuite vers le S. sur Medix ou Ad-Medias (Médéah).

Les Arabes mentionnent amoureusement Blidah dans leurs souvenirs; mais comme on ne rencontre dans les légendes racontées au sujet de cette voluptueuse, aucun souvenir de guerre, il est probable que ses sultans menaient l'existence des rois fainéants, et que leur peuple imitait leur exemple. Même silence sous la domination turque jusqu'en  1825. Ce jour-là, Blidah cessa d'être heureuse et l'histoire se hâta de raconter ses infortunes. Un violent tremblement de terre la détruisit presque en entier ; ses maisons en s'écroulant, écrasèrent la moitié de la population; l'autre moitié devisait sous les orangers et fut sauvée ; elle travailla, après quelques velléités d'abandon, à rebâtir au milieu des ruines.

Quelques jours après notre débarquement en Algérie, le général de Bourmont, à la tête de 1800 hommes, poussa une reconnaissance jusqu'à Blidah. Notre  armée la trouva entourée d'un mur d'enceinte et couronnée de vastes cimetières; les vestiges du désastre de 1825 étaient partout visibles; les habitations n'étaient guère que des huttes. Les rues étaient étroites et couvertes de roseaux, du haut d'une maison à l'autre, pour empêcher les rayons du soleil d'y pénétrer. Les portes de la ville avaient seules quelque apparence architecturale. Les alentours étaient, comme aujourd'hui, magnifiques par leur luxuriante végétation, l'eau et le soleil s'y rencontrant dans cette heureuse proportion qui la produit.   Tout le pays n'était qu'un grand bosquet de lauriers-roses,  d'orangers,  de  citronniers, de figuiers, d'oliviers dont plusieurs présentaient neuf à dix pieds de circonférence. Des canaux d irrigation y distribuaient le bienfait des eaux.

 Notre première visite fut de courte durée, et si les citadins furent accueillants, les Kabyles, descendus des montagnes voisines, inquiétèrent au retour notre arrière-garde. La pacification de la Mitidja occupa les premières années de notre conquête, et, malgré la proximité d'Alger, Blidah ne fut occupée qu'en 1838 par le maréchal Valée; cette occupation, d'abord timide, amena la création de deux camps permanents en avant de la ville (ils sont devenus les villages de Joinville et de Montpensier) ; l'année suivante nous franchissions définitivement la vieille enceinte.

Les Beni-Salah, descendirent alors de leurs montagnes, coupèrent les conduites d'eau et bloquèrent étroitement la malheureuse garnison, qui ne pouvait faire connaître à Bou-Farik ou à Alger, sa situation désespérée. Un caporal du nom de Sourdis, se dévoua pour traverser les lignes ennemies et y réussit. Le maréchal Valée s'élança vers Blidah, battit complètement, près de l'Oued-el-Alleug les bataillons  réguliers et les contingents arabes, qu'il chargea de sa personne à la  tête des chasseurs d'Afrique. L'ennemi laissa près de 400 morts sur le champ du combat (31 décembre 1839). Blidah était ainsi débloquée.

Les Arabes un peu abasourdis par cette défaite, revinrent à la charge le 29 janvier; un corps assez considérable d'infanterie régulière et de fantassins des contingents, s'embusqua dans le Bois des oliviers, qui est à 200 mètres à l'O. de Blidah, et y attaqua les travailleurs occupés à ouvrir des tranchées dans les orangeries, pour dégager les abords de la place ; après un combat opiniâtre dans les jardins, où notre infanterie se conduisit valeureusement, l'ennemi se retira dans les montagnes, abandonnant 200 tués ou blessés.

Pour mettre fin à ces attaques incessantes, le général Duvivier, fut nommé au commandement de Blidah. Bientôt la paix fut assurée dans la plaine et dans la montagne et notre ligne d'occupation portée sur le Chélif. Pendant quelques mois, la ville, entourée d'un fossé, forma le sommet du triangle,que dessinaient avec elle, Coléah et la Maison-Carrée, triangle qui porta le nom d'enceinte continue ; mais cette idée ne tarda pas à être abandonnée devant la marche toujours croissante de notre conquête.

A partir de 1842, l'histoire de Blidah, érigée en commissariat civil l'année précédente, redevient silenciense.

Aspect et description. Nous avons déjà dit ce qu'était la ville en 1830 ; depuis cette époque, notre architecture y a pénétré largement bâtissant là comme partout en France. Le tremblement de terre du 2 janvier 1867 a arrêté cependant les maçons en de çà du troisième étage. Est-ce à leur dépit qu'il faut attribuer l'impression de tristesse qui vous envahit en parcourant Blidah? Elle se présente, en effet, comme une ville inachevée, qui se recueille après avoir rêvé de splendeurs.

La place d'Armes, le cœur de la cité, n'est guère bâtie que sur deux faces; les rues présentent à chaque pas des lacunes ou des boutiques presque en ruines. Les établissements militaires, parmi lesquels il faut visiter le magnique dépôt de remonte, sont en général bien construits.

Aux portes même de la ville, à l'O. le jardin public, de création récente, offre aux regards  un vaste bassin, entouré de haies d'orangers et de grenadiers, de jacarandas,  que  l'on prendrait pour de colossales fougères, de daturas dont les fleurs simulent de gracieuses coupes de marbre blanc renversées.

Un peu plus loin, le Bois sacré, dont les splendides oliviers centenaires, aux troncs noueux, abritent deux  élégantes koubbas ;  nulle part, même dans les Kabylies, cet arbre n'a cet aspect hardi et majestueux. Des eucalyptus de cinq ans à peine les dominent déjà ; leur tige s'élance droite, sans branches ; on devine qu'elle a hâte d'aller respirer un air plus libre, qui lui donnera sa couronne de feuillage.

A l'E. de la ville, sur la route d'Alger, le Tapis-Vert, jardin, café, théâtre d'été, salle de bal, que sais-je ? ombragé de beaux arbres ; il a retenti autrefois de gais et joyeux refrains, quand nos colonnes victorieuses revenaient du S. Aujourd'hui il est plus calme, la troupe des artistes n'y fait que de rares apparitions.

Malgré son apparence silencieuse, Blidah vit et devient chaque jour plus prospère. C'est au milieu des orangers et des mandariniers, qui font à la courtisane, une ceinture de fleurs chastes et de fruits dorés; c'est dans le ravin de l'Oued-el-Kebir, couvert d'usines, parsemé de villas, qu'il faut chercher son activité et sa richesse.

Commerce et industrie. — Le commerce est à peu près limité à la vente des mandarines et des oranges, qui s'est élevée en 1874 à un chiffre colossal. D'après nos recherches les plus consciencieuses, Blidah a exporté eu France, celte année-là : cinq millions quatre cent mille mandarines ou oranges; la consommation sur place a  peut-être atteint ce même chiffre.

Quant à l'industrie, à part quelques minoteries bien installées, elle est assez pauvre. Il convient cependant de mentionner la fabrication d'objets en thuya, aux riches mouchetures ; une visite à l'atelier de M.  Still, permettra de choisir en souvenir de l'excursion, des coupes, des coffrets, chefs-d'œuvre d'ébénisterie.

Un journal politique se publie à Blidah ; c'est le Tell, fondé en 1864.

1re   PROMENADE

Ascension du piton des Beni-Salah.

Cette promenade  doit  être faite à pied, ou mieux, à cheval; de Blidah à la glacière Laval on compte deux heures, à un bon pas, et à peu près le même temps, de la glacière aux Deux-Cèdres, terme habituel de la course. Il est indispensable d'apporter le déjeûner avec soi.

Et maintenant, nous vous donnons pour guide Fromentin, qui a raconté ses impressions sous forme de lettre,  dans un livre charmant: Une année dans le Sahel, dont nous ne saurions trop recommander la lecture à ceux qui aiment à retrouver dans un écrit l'émotion intime de l'auteur et la vérité absolue du paysage.

Tu connais la route escarpée que nous avons suivie, cette longue rampe en colimaçon, qui commence au lit de l'Oued, décrit de grands cercles sur le flanc nord de la montagne, et conduit, en quatre ou cinq heures  de cheval,  au dernier sommet qui domine immédiatement Blidah. A mi-côte à peu  près,   se trouve la glacière,  jadis   habitée par les Maltais, pourvoyeurs  de neige, charbonniers et chasseurs (aujourd'hui glacière   Laval).  Il reste une ou deux baraques   en manière   d'abri,   posées  au bord  de l'étroite esplanade où,  par une  claire matinée de mars,   ensemble, il y a de cela trop  d'années pour que je les calcule, nous avons vu voler des aigles et cueilli des fleurs qui ne fleurissent plus en automne. Un peu plus haut, sur un piton qui se voit de Blidah, est perché le télégraphe, avec ses longs bras articulés qui meurent d'inaction pendant les obscurs brouillards de l'hiver.   Tout-à-fait au sommet, parmi les cèdres et sur le  dernier repos de la  montagne, taillée en pain de sucre, subsiste encore un vieux marabout autrefois ouvert, aujourd'hui barricadé  de broussailles,   qui cependant  n'est pas en ruine, quoiqu'il ait l'air absolument abandonné. Le plateau n'a pas plus de cent pas d'étendue ;  il est environné de cèdres et pavé de roches vives, plates et blanches,  si fortement lavées, puis dévorées par le soleil, qu'elles ont pris l'aspect aride et dénudé des ossements qui sont restés longtemps en plein air. Une herbe rude et courte, sorte de végétation métallique, la seule qui puisse vivre sur ce sol de pierre et dans les duretés de ce haut climat, forme, avec des lichens grisâtres et des lambeaux de je ne sais quelle mousse épineuse, l'indigente et morne couverture du rocher.

Les cèdres sont bas, mais très larges ; leur feuillage est noirâtre, leur tronc couleur de fer rouillé. Le vent, les neiges, la pluie, le  soleil, qui semble encore plus âpre ici que dans la plaine, la foudre, qui de temps en temps les frappe et les partage en deux, comme de fabuleux coups de hache, toutes les intempéries des saisons extrêmes, les   criblent  de blessures mortelles  qui pourtant ne les font pas mourir. Leur enveloppe exfoliée les abandonne et se répand en poussière autour de leur tronc. Les passants les ébranchent, les bergers les mutilent, les bûcherons en font des fagots ;  ils finissent petit à petit, mais avec l'intrépidité des choses vivaces ; leurs racines ont  la solidité de la pierre qui les nourrit, et la sève qui semble fuir devant les nécessités  inévitables de  la mort certaine, se  réfugie dans les rameaux qui toujours verdissent et fructifient.

Nous nous assîmes au pied de ces vieux arbres respectables et pleins de conseils. La journée était belle, et me parut triste ; peut-être parce que nous n'étions gai, ni l'un ni l'autre. Il faisait chaud et très calme, circonstance que je n'oublierai jamais, car je lui dois la plus forte impression de grandeur et de paix complète qu'on puisse éprouver dans sa vie. Le silence était si sévère, l'immobilité de l'air était telle que nous remarquâmes le bruit de nos paroles, et qu'involontairement nous nous mîmes à causer plus bas.

Mesuré de l'endroit dont je parle, au pied du marabout, l'horizon décrit un cercle parfait, excepté sur un seul point où le cône noirâtre de la Mouzaïa fait saillie.   Au nord, nous embrassions la plaine avec  ses villages à peine indiqués, ses routes tracées par des rayures pâles, puis tout le Sahel, courant    comme un sombre   bourrelet, depuis Alger, dont la  place exacte était déterminée par des maisons  blanches, jusqu'au  Chennoua,   dont le   pied s'avançait  distinctement   comme  un   promontoire entre deux golfes; au-delà, entre la cote d'Afrique et  le   ciel infini, la  mer s'étendait à perte de vue comme   un   désert   bleu.  Dans l'est,   on   apercevait le Djurjura,  toujours  blanchâtre; à l'opposé, montait la   pyramide   obscure  de   l'Ouarensenis ; quatre-vingts lieues d'air libre, sans nuages et sans tâche aucune, séparaient ces deux bornes militaires posées aux deux extrémités des pays kabyles. A mes pieds  se développaient quinze lieues de montagnes, échelonnées dans un relief impossible à saisir, enchevêtrées l'une à l'autre, et noyées, confondues   dans  un  réseau   d'azurs   indéfinissables. Nous aurions pu voir Médéah, si la ville n'était masquée par le Nador et perdue dans le pli d'un ravin, qui, lui-même, est le versant d'un plateau très élevé, puisqu'il y neige. Droit au sud, et bien au-delà de ce vague échelonnement de formes rondes, de plissures. de vallées, de sommets, — géographie réduite à l'état de carte panoramique du vaste pays montueux qu'on appelle le Tell et l'Atlas, — on découvrait des lignes plus souples, à peine sinueuses, - comme des fils bleuâtres entre de hautes saillies, dont la dernière, à droite, porte la citadelle de Boghar. Plus loin encore commençait la ligne aplatie des plaines.

Enfin, à l'extrême limite de cette interminable étendue, dans une sorte de mirage indécis, où la terre n'avait plus ni solidité ni couleur, où l'œil ébloui aurait pu prendre des montagnes pour des filets de vapeurs grises, je voyais, du moins V... les nommait avec la certitude du voyageur géographe, les sept têtes des Seba-Rous, et par conséquent le défilé de Guelt-Esthel et l'entrée du pays des Ouled-Nayl. La moitié de l'Afrique française était étendue devant nous : les Kabyles de l'est, ceux de l'ouest le massif d'Alger, les steppes, et, directement à l'opposé de la mer, le Sahara.

 

 2 ème PROMENADE

Les Gorges de La Chiffa

Vous pouvez gagner le village de la Chiffa en chemin de fer, y prendre la diligence de Médéah, qui vous déposera à l'auberge du Ruisseau des Singes, milieu des gorges, et vous y reprendra au retour. (Voir aux renseignements généraux, page iv). Il vaut mieux, à notre avis, fréter une calèche à Blidah; on est ainsi le maître de son temps et de sa promenade.

Le trajet, aller et retour, demande cinq heures, sans compter les temps d'arrêt.

Au sortir de Blidah, la route tourne brusquement à l'O. et longe le pied de la chaîne de montagnes qui sert de ceinture à la Mitidja. Des deux côtés de la route, des champs en pleine culture. En automne, les troupes de la division d'Alger s'y réunissent, pour exécuter les grandes manœuvres annuelles.

On ne tarde pas a atteindre l'Oued-el-Kebir et quelques cents mètres plus bas la Chiffa ; les ponts de la route carrossable sont actuellement en construction. Le chemin de fer que nous côtoyons franchit les deux rivières, un peu en aval de leur confluent.

L'aspect du lit de ces torrents, large et sans eau, forme un paysage de caractère éminemment africain. Une des rives est taillée à pic dans une terre rouge, tandis que l'autre s'étend au loin vers la campagne en grève caillouteuse, parsemée de rares bouquets de lauriers-roses. Le soleil fait flamboyer ces terres ocreuses, ce sable blanchâtre, et la lumière qu'ils renvoient à l'œil est à ce point intense, que, par opposition, l'azur du ciel paraît mat et sombre. En été, l'air tremble au-dessus de cette fournaise et l'ombre des touffe d'arbustes se découpe à leurs pieds, nette et presque bleue. En automne, au moment des premières pluies, ou bien au printemps, à l'époque de la fonte de la neige, le torrent emporte dans ses flots   bourbeux, terre, arbres, quelquefois maisons et troupeaux;   et comme son cours, touche presque à la mer, le limon fertilisaleur, au lieu de se déposer lentement sur ses rives, est à jamais perdu, au moins pour l'époque actuelle. Le lendemain la grève reparaît nue et stérile, comme la veille de l'orage

Un peu après la traversée des rivières, la route carrossable tourne directement au S. La station du chemin de fer, où vous attend la correspondance de Médéah, si vous avez préféré cette combinaison, est à quelques pas. C'est :

58 kil.La Chiffa; (1,530 hab.). Village crée en 1846, à moitié détruit par le tremblement de terre de 1867; il s'est aujourd'hui relevé de ses ruines. Un canal de dérivation fertilise son territoire, et sa position, au débouché des routes du S., lui assure une certaine prospérité.

En le quittant, on ne tarde pas à rejoindre la route de Médéah.

58 kil. 5. Manufacture de crin végétal, entourée de beaux jardins plantés d'orangers. Les feuilles de   palmier-nain sont séchées   et réduites en filasse très tenue, qui est ensuite roulée en câbles; on la colore en noir au moyen d'un lavage dans une infusion de bois de campêche.  Les condamnés militaires sont employés à ces divers travaux.

A  partir de   ce point, la route  commence à monter légèrement, suivant la rive droite de la Chiffa et l'on ne larde pas à voir se dessiner l'ouverture des gorges,  dont les parois s'inclinent comme les deux branches d'un V. La rivière s'est creusée un chemin  au  milieu des roches schisteuses, qui s'effritent constamment sous l'action de l'air et de l'eau   Aussi ne voyons nous pas ici, comme dans les brèches des calcaires durs, ces murs verticaux menaçants, qui éveillent les légendes des coups d'épée de géants ; rarement la pente dépasse l'inclinaison normale des talus. Les deux versants se couvrent d'une maigre végétation de chênes-liège,  de caroubiers, de lentisques. Cà et là, une tache grisâtre, nue, annonce un écoulement récent.

La route suit le versant 0. taillée en corniche en quelques endroits, et domine alors à pic les gouffres du torrent.

61 kil. Auberge de Sidi-Madani.

64. kil. Ruisseau des singes. Ce point est la limite ordinaire de la promenade ; il est à mi-chemin des gorges, et placé à l'endroit où le  paysage est le mieux caractérisé.   On y trouve une bonne auberge,  cachée  dans le creux d'un ravin, d'un aspect coquet et séduisant; un micocoulier,   plusieurs fois séculaire, la domine de son beau feuillage, et le ruisseau qui coule à ses pieds, l'égaye de ses cascades. Les murs de l'établissement sont couverts de dessins, pleins de verve et d'humour, dus au pinçon d'un officier-artiste ; le thème est une sarabande échevelée de singes et de chiens.

Pour mieux voir l'ensemble des gorges de la Chiffa, il faut escalader le ravin qui est en arrière de l'auberge.  Le commencement de l'ascension est facilité par des allées en zig-zag, qui traversent une ancienne annexe du Jardin d'acclimatation pour les essais de culture du Quinquina. A en juger par la végétation précoce et vigoureuse des   micocouliers, des  lauriers et des   câpriers    sauvages,  l'endroit parait   bien choisi, abrité des vents du S. et du N. Mais peut-être, un judicieux discernement n'a-t-il pas présidé au choix des espèces à acclimater, comme cela est arrivé pour le Caféier, dont la culture en Algérie, nous paraît parfaitement réalisable, malgré les premières tentatives infructueuses. Quoi qu'il en soil, il ne reste rien des plantations de quinquina.......... que la maisonnette du jardinier.

Des troupeaux de singes, effrayés par la présence des promeneurs, se retirent sur les plus hautes branches des arbres, et se vengent par leurs grimaces et leurs ricanements, du trouble que vous apportez dans leurs repas et leurs jeux.

Arrivé au haut du ravin, vous dominez la coupure de la Chilla, et pouvez embrasser du regard, les flots bleus de la mer à l'horizon,le  massif du Sahel,  la plaine de la  Mitidja et  les   montagnes  qui  lui   servent  de   ceinture.

Quelques cents mètres au-delà du Ruisseau des Singes, qui marque le point le plus élevé de ia traversée des gorges, la Chiffa fait un léger coude à dr. La route, qui en suit les détours tourmentés, descend vers Médéah et fuit de là. vers le S., le pays du soleil !

Peut-être y conduirons-nous quelque jour, le touriste qui a bien voulu nous suivre jusqu'ici.