Document original mis à notre disposition par

le  Centre de  Documentation  Historique sur l'Algérie

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Pour en faciliter la lecture, la totalité du texte a été réécrite en respectant l'orthographe du texte original. On trouvera des noms propres un peu différents certaines fois mais il faut garder à l'esprit que le texte est de 1896.

 

Le 17 février 1896, nous prenons, au Gué de Constantine(1), Madame Gascon, mon fils pharmacien à l'Arbah et son épouse, le chemin de fer d'Alger à Oran, et nous arrivons à Boufarick, Bou-Farick (la buvette), à neuf heures du matin. C'était un lundi, jour du marché hebdomadaire où trois à quatre mille indigènes, des tribus voisines, viennent habituellement vendre leurs produits, animaux, fruits, légumes, etc., ou faire leurs acquisitions.

Le spectacle de ce marché est vraiment curieux, surtout pour les Européens qui visitent l'Afrique pour la première fois.

Une longue allée, plantée de superbes platanes, tracée au milieu de cultures d'orangers couverts de leurs fruits d'or, conduit de la ville au marché. Là, sans ordre, on trouve des marchands de fruits, de légumes, de céréales, de la ferraille, des poteries kabyles, que sais-je, tout cela mêlé avec les tentes sous lesquelles se tiennent accroupis des Arabes vendant des étoffes, du tabac, quelques objets de toilette, des chaussures neuves. Une quantité de cordonniers ambulants raccommodent les vieux souliers (Sebbat). Non loin se dressent les étals des bouchers qui n'ont rien de ce qui peut plaire ni à l'œil ni au goût, c'est mal tenu et sale. Les chevaux, les minuscules bœufs ou vaches du pays, d'à peine un mètre de hauteur, les ânes (les bouricos), tout est pêle-mêle. Des terreurs, sans foyer, sans forge, sans enclume, si ce n'est ce petit appareil français sur lequel nous battons nos faulx, adaptent tout simplement aux pieds des chevaux, mulets ou ânes, des fers, plats, sans étampes, tout préparés.

Ici le fer n'est pas fait pour le pied, mais bien le pied pour le fer ; car à peine le ferreur a-t-il aplani le dessous du sabot qu'il pose le fer avec quatre ou six clous, et il coupe tout bonnement la corne tout autour du fer, qu'elle fasse plus ou moins saillie. Et voilà un pied ferré.

Tout dans ce marché est confus. Ici on voit et on entend des chanteurs arabes ou kabyles dont la voix monotone, le rythme fatigant, les instruments criards, n'ont absolument rien d'agréable.

Là une sorte de médecin (un Tébib), qui empoche l'argent de ses trop crédules clients, sans les soulager et encore moins les guérir. Mais partout des pauvres, de toutes nations, qui vous obsèdent par leurs salamalech et leurs lamentations. Partout aussi des cafés Maures établis sous de vilaines tentes où pour un sou, on vous sert, ma foi, d'excellent café, le Kaouah des Arabes, torréfié, broyé dans un mortier, il conserve ainsi mieux son arôme.

Nous sommes en quelque sorte étourdis, ahuris, quand nous quittons ce marché. Rentrant en ville nous saluons ie héros de Beni-Mored, le Sergent Blandan, lyonnais, du 26e de ligne, dont la statue, toute martiale, orne le milieu de la place qui porte son nom (2).

Nous déjeûnons assez bien à l'hôtel Blandan et nous reprenons le chemin de fer qui traverse de pauvres terrains mal soignés, maigres, marécageux ; nous arrivons enfin à Blidah (la petite ville), fondé en 1535 (942 de l'hégire).

Nous descendons au bel et vaste hôtel Géronde, et parfaitement tenu, rue Bab-el-Sebt.

Montant aussitôt en calèche (3), nous visitons d'abord la ville française, aux belles et larges rues bordées de maisons dont les façades sont d'un beau style et d'un bel aspect, mais n'ayant plus leur ancienne hauteur, dans la crainte du renouvellement des tremblement de terre de 1825 et 1867 ; puis nous pénétrons dans le quartier arabe (où les juifs pullulent) que nous trouvons très propre. Comme partout en Afrique les maisons arabes n'ont qu'une seule ouverture sur la rue, la porte d'entrée basse, étroite et généralement cintrée.

Dans notre course nous admirons la Place d'Armes, les vastes casernes, la rue des Gouloublis, qui offre un intéressant coup d’œil, avec ses cent boutiques arabes et juives, où on trouve un peu de tout ce que l'on a besoin dans une citée africaine. Un peu plus haut est le marché, très curieux par la diversité des choses qu'on y vend et son animation.

J'entre dans la mosquée, appelée Djama-Mohammed-ben-Sadouse, après m'être déchaussé selon l'usage.

Je n'y remarque pas autre chose qu'une grande propreté, les murs bien blanc., les tapis en bon état des tribunes (pour les femmes) à balustres très simples et de nombreux flambeaux allumés, car c'était le temps du Rhamadan, le grand jeune des Musulmans

Nous sortons de la ville pour aller du côté des Grands Moulins au bord du fleuve Oued-el-Kébir. De là nous voyons le fort Mimiche, à 400 mètres d'altitude, qui domine Blidah et fait partie de sa défense.

Biidah a 25.000 habitants, européens et indigènes, et une forte garnison. Les Européens ne forment guère que la moitié de cette population et encore les Français y sont-ils les moins nombreux.

Aujourd'hui la ville n'est entourée que d'un simple mur de 4 mètres de hauteur, percé de sept portes toujours ouvertes. Pas de fossés ni aucun ouvrage avancé si ce n'est le fort Mimiche dont j'ai parlé plus haut.

Tout dans l'intérieur, même le Quartier Arabe, laisse peu à désirer sous le rapport de la propreté, grâce au bon entretien journalier et à l'eau qu'on emploie en abondance pour les rigoles d'irrigation et le nettoyage des chaussées.

Là, plus qu'ailleurs, j'ai vu des mains, aux doigts écartés, sculptés, gravés, ou simplement peintes (4) aux portes des maisons mauresques ainsi que des fers de chevaux ayant servi, qu'on appelle porte-bonheur.

On m'a fait remarquer que les maisons badigeonnées en blanc sont habitées par les Musulmans, tandis que celles qui le sont en bleu ou en rose sont habitées par des Israélites.

Dans une des rues du quartier arabe une maison bleue portait cette inscription sur la porte : Maison honnête. On m'en a donné l'explication que le lecteur pourra facilement deviner.

Les canaux d'alimentation d'eau qui sillonnent nombre de rues sont remarquables par leur propreté et leur bon état.

C'est surtout à Blidah qu'on fabrique ces énormes cigares, de plus de 0,25 m de longueur, appelés Flissas. On y fait aussi de forts jolis objets en bois de Thuya. Mais tout cela est d'un prix vraiment exorbitant.

On visite encore à Blidah l'église St-Charles style pseudo-roman, le temple protestant, le collège, l'hôpital et surtout les belles et vastes casernes. En somme Blidah est une charmante ville dont le site et la position ont été depuis longtemps appréciés par les Maures qui l'ont fondée. Une papeterie, une grande imprimerie, la manufacture de tabac occupent beaucoup d'ouvriers.

Comme dans toutes les villes de l'Afrique il y a beaucoup de maisons à arcades occupées en grande partie par des cafés. -,

En sortant une seconde fois de la ville, nous visitons le jardin Bizot C'est le Bois Sacré où se trouve le Marabout, el Koubla, de Sidi Yacoub-Chéref, très bien entretenu, ombragé par deux énormes oliviers contemporains, dit-on de Mahomet ?

Naturellement nous parcourons les orangeries. C'est le vrai pays aux fruits d'or. Plus de 55.000 orangers, citronniers et limoniers sont en plein rapport. Les arbres sont couverts de ces beaux fruits dont la renommée est universelle, vingt cinq à vingt-six millions d'oranges sont annuellement expédiées de Blidah.

Outre ces 55,ooo orangers, on compte 40,000 jeunes plants nommés pourettes.

Quel coup d'œil, quel spectacle enchanteur! Les yeux en sont ravis et l'odorat en est enivré...

A propos des orangeries, voici en détail et en partie, ce que j'ai pu voir et ce qui m'a été dit.

La récolte des oranges communes a lieu, pour la grande quantité, vers la lin d'octobre.

Les mandarines ne se cueillent qu'en novembre et décembre.

La cueillette se fait toujours à la main. On place les fruits dans des corbeilles et des femmes, des enfants arabes, accroupis sur des nattes de palmier, enlèvent la partie du pédoncule (la queue) qui pourrait encore exister, mais prennent bien la précaution de laisser l'étoile qui fut le calice au moment de la floraison.

On fait la récolte en plusieurs fois, car sur les orangers on voit, à peu près en tout temps, des boutons, des fleurs, des oranges vertes et des oranges mûres.

Les ouvrières chargées de trier les oranges, les présentent à des disques en fer blanc de plusieurs diamètres et opèrent ainsi la séparation suivant les grosseurs. Il y a donc plusieurs catégories qui sont vendues suivant leur volume. On m'a dit qu'il y en avait six. La première est composée des plus grosses oranges qu'on empapillotte dans du papier léger et très fin. On en fait d'ordinaire de même pour la seconde catégorie. Les autres sont livrées et vendues sans enveloppes.

Tout le monde sait que les mandarines sont toujours enveloppées de papier qui porte l'estampille du lieu de leur production.

Après une délicieuse promenade respirant à pleins pou­mons l'air embaumé et frais des environs de la ville, nous rentrons à l'hôtel l'appétit très aiguisé

Le dîner est succulent, le vin d'Afrique fort bon.


A noter les quenelles et les crevettes servies pour chacun de nous, dans la valve inférieur du coquillage appelé Peigne Gigas ou Peigne de St-Jacques.

Des ortolans sont servis de même, dans de toutes petites terrines en terre de fabrication kabyle.

Nous sommes satisfaits de ce bon dîner et nous achevons notre soirée au grand café sur la Place d'Armes.

Mais le Siroco (vent du Sud du désert) commence à souffler, il redouble d'intensité vers minuit. Impossible de dormir. Notre chambre, situé à l'angle d'une rue semble ébranlée, on se croirait sur une mer orageuse. Tout tremble, les persiennes quoique bien fermées font un bruit du diable, on dirait que la maison va s'écrouler...

Malgré cela il faut se lever, partir.

Les gorges de la Chiffa nous attendent...

A huit heures nous montons en calèche, le siroco souffle toujours avec violence et n'empêche pas nos braves chasseurs d'Afrique de manœuvrer. Nous longeons le Champ de Mars et bientôt notre cocher nous fait apercevoir, dans le lointain, à droite, le fameux Tombeau de la Chrétienne, dont je donnerai plus loin la description et des légendes intéressantes qui s'y rattachent.

Pendant une bonne heure de marche fort difficile pour les chevaux qui avaient le nez au vent, et très fatigante pour nous puisqu'il a absolument fallu abaisser la capote de la voiture, nous traversons les vastes cultures d'orangers, dont les fruits, effet du siroco, jonchent le sol, les grandes vignes, franchissons l'Oued Chiffa, petite rivière presque toujours à sec et nous arrivons enfin à l'entrée des gorges, dans le Petit Atlas. Quel imposant et grandiose spectacle ! quelle étonnante contrée s'offre à nos yeux ! De hautes montagnes, à l'altitude de 6 à 700 mètres, le plus souvent à pic, aux flancs dénudés à peine couverts de quelques maquis peu touffus, de chétifs arbrisseaux laissant voir, dans de grands intervalles, une roche à peu près nue. composée de schistes grisâtre ou rougeâtre, d'un triste aspect, partout disloqués par le soulèvement de l'Atlas, et se présentant eu plaques ou en minces feuillets, avec une déclivité de plus de 60° par rapport à l'horizon.

Dans la plaine, le thermomètre marque 25° et le sommet des montagnes est couvert de neige.

La mine et le travail de nos infatigables soldats du génie ont ouvert la route qui, on peut le dire, a été conquise tantôt dans le flanc presque vertical des hautes roches de plus de cent mètres d'élévation surplombant souvent et laissant de l'autre côté un abîme duquel le voyageur n'est garanti que par un mur, une sorte de parapet, d'à peine un mètre de hauteur sur quarante-cinq centimètres d'épaisseur. Quoi que bien bâti, mais fort mal entretenu, ébrèché dans bien des endroits, il céderait facilement au recul de nos chevaux français.

Notons que la route n'a que quatre à cinq mètres de largeur et si ce n'étaient les refuges, ménagés de distance en distance, les voitures ne pourraient pas s'y rencontrer. Quand la route s'approche du fond de la vallée, je devrais dire de l'étroite gorge qu'elle côtoie, alors on est dédommagé, de l'émotion bien naturelle que les précipices ont fait éprouver, par le murmure d'un ruisseau, d'une chute d'eau et l'abondance des plantes indigènes. Ah oui, cela fait oublier un instant les dangers qu'on a pu courir et l’âpreté de ces hautes et désertes montagnes qui ont l'air de vous menacer d'un éboulement, d'une avalanche de roches fort heureusement peu à craindre.

Il faut dire que par moment, la vue se repose sur l'entrée ou la sortie d'un tunnel (et ils sont nombreux dans l'Atlas) du chemin de fer de Médéa et Sidi-Madane, à une seule voie, paraissant, comme la route, en quelque sorte plaqué et cloué au flanc de la montagne dont il suit forcément les contours et les sinuosités.

Le siroco nous arrête plusieurs fois. Cependant nous parvenons à franchir les Cascades où l'eau, tombant, avec un doux murmure, de degré en degré d'au moins cent mètres de hauteur, offre un des plus ravissants spectacles, agrémenté par la quantité de plantes des plus variées et en pleine floraison.

Nous arrivons non sans peine, au Camp des Chênes, point historique et stratégique de la conquête de l'Algérie, sans avoir vu le moindre singe mais beaucoup d'aigles, aux ailes gigantesques, planant à une très grande hauteur et jetant une sorte de cri strident qui nous étonne quelque peu et nous fait néanmoins un certain plaisir, car nous retrouvons la vie dans ces lieux si beaux mais si tristes. Des chèvres, broutant tranquillement de maigres arbrisseaux, de rares herbes, paraissent accrochées à la montagne tant les pentes sont rapides. Il nous semble qu'elles vont dégringoler. Mais le Créateur les a pourvues d'ongles assez longs, assez forts, pour leur permettre de se suspendre ainsi sur le vide et d'y trouver leur nourriture.

Rebroussant chemin et poussés par le vent, qui nous avait été si contraire en avançant dans les gorges de l'Atlas, nous arrivons à l'auberge dite du Ruisseau des Singes.

Bâtie au pied du ruisseau de ce nom elle offre tout le confortable qu'un touriste peut désirer.

Dans la salle à manger, assez petite, voûtée et proprement badigeonnée, on remarque tout en entrant, une frise, une peinture murale, œuvre du lieutenant Girardin, représentant des singes grotesquement habillés en militaires, ou en comédiens: les uns graves, les autres gambadant, grimaçant à qui mieux mieux, etc.


Au milieu de cette frise un singe, général, décore un autre singe, simple soldat, qui a dû faire beaucoup de campagnes...de singe.

Pendant que le déjeuner se prépare, moyennant cin­quante centimes, un guide nous fait gravir, derrière l'auberge, un sentier très accidenté, raide et difficile qui a environ soixante mètres de hauteur, nous fait arriver à une sorte de plateforme d'où le ruisseau dit des Singes, se précipite eu nombreuses cascades au pied de la montagne passant dans la cour même de l'auberge.

C'est sur ce plateau .que nous apercevons quelques singes en pleine liberté. Un chien qui nous a suivis, court après un tout petit de ces animaux qui est à terre, mais qui. lui brûlant la politesse (sic), a vite grimpé sur un arbre où se trouve sa mère. Celle-ci le reçoit dans ses bras, et lui donne aussitôt tranquillement le sein.

On sonne le déjeuner, nous nous hâtons de descendre et nous faisons honneur aux mets qui nous sont servis ils sont vraiment bons, bien apprêtés et satisfont largement notre appétit.

Notre cocher guide en même temps arabe, à jeun, refuse naturellement tout ce que nous pouvons lui offrir. C'était le Rhamadan et l'on sait si les Musulmans le respectent.

La calèche est bientôt prête, les chevaux en Afrique savent aussi jeûner et nous reprenons la route de Blidah, puis le chemin de fer qui nous ramène au gué de Constantine et enfin l'antique diligence nous dépose, à huit heures du soir, à l'Arbah devant la pharmacie de mon fils.

La fatigue de ce* deux journées a été largement

compensée par ce que j'ai vu et le souvenir que j'en conserverai.

Écrit à l'Arbah, le 1er mars 1896.

R. E. GASCON.

J'ai dit que je donnerais une notice sur le tombeau de la Chrétienne et des curieuses légendes qui s'y rattachent. Je m'exécute.

LE TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE

En arabe KBOUR-ER-ROUMID

Situé non loin de la mer, à 261 mètres d'altitude, édifice rond de 30 mètres de hauteur, avec soubassement carré de 63 mètres de côté, orné de 68 demi colonnes de l'ordre ionique, est divisé en quatre parties ayant chacune une porte répondant aux quatre points cardinaux. Les couloirs, caveaux et galeries intérieurs ont un développement de 470 mètres.

Mais ne nous arrêtons pas trop sur les détails de ce tombeau qui a probablement reçu les restes de Juba II et de Cléopâtre .et qui est réellement le Tombeau des anciens rois Numides, comme l'établit le géographe Ponponius Mela.

Et venons aux curieuses légendes que j'analyse d'après le guide Joanne, d'Alger.

Le peuple arabe qui croit à l'existence de trésors dans tous les monuments anciens a nécessairement ses légendes du Tombeau de la Chrétienne.

Un arabe de la Mitidja, Ben Kassen, ayant été fait prisonnier de guerre par les chrétiens, emmené en Espagne, fut vendu à un vieux savant. Il pleurait constamment, sa captivité qui le séparait de sa famille.

« Écoute, lui dit un jour son maître, je puis te rendre à ta famille et à ton pays, si tu veux me jurer, par Mahomet. de faire tout ce que je vais te dire. Tout à l'heure tu t'embarqueras. Quand tu auras passé .trois jours avec ta famille tu te rendras au Tombeau de la Chrétienne et là tu brûleras le papier que voici sur le feu d'un brasier tourné du côté de l'ouest. Quoi qu'il arrive ne t'étonne pas.»

Ben Kassen ne voyant rien de contraire à sa religion, jura et fit ponctuellement ce que son maître lui avait recommandé. Mais à peine le papier qu'il avait jeté dans le brasier fut-il consumé qu'il vit le Tombeau de la Chrétienne s'entr'ouvrir pour donner passage à un nuage de pièces d'or et d'argent qui s'élevait et filait vers le pays des Chrétiens.

Ben-Kassen, d'abord fut étonné, âpre au gain comme tous les Arabes lança son burnous sur les dernières pièces et en ramassa quelques unes.

Le tombeau s'était refermé, le charme était rompu...

Ben-Kassen garda longtemps le silence, mais un jour il raconta son aventure qui fut bientôt connue du Pacha lui-même.

La chronique dit que ce Pacha était Salah-Raïs qui régna de 1552 à 1336 de notre ère (960 à 964 de l'hégire musulman). Il envoya un grand nombre d'ouvriers au Tombeau de la Chrétienne avec ordre de le démolir et d'en rapporter les trésors qu'ils y trouveraient.

Mais le monument avait à peine été entamé qu'une femme, Chrétienne sans doute, apparaissant sur le sommet de l'édifice étendit ses bras en s'écriant : « Halloula ! Halloula! A mon secours», et aussitôt une nuée d'énormes moustiques dispersa les travailleurs.

Plus tard Baba-Mohamed ben-Otsmann, Pacha d'Alger de 1766 à 1791 (1179 à 1206 de l'hégire) essaya de démolir à coups de canon et sans plus de succès le revêtement du Tombeau de la Chrétienne.

Il est aujourd'hui reconnu que les carrières (Er Ri'ran), qui ont fourni la pierre pour la construction de ce monument, l'un des plus grands et des mieux conservés du monde ancien, se trouvent à environ deux kilomètres, vers la Méditerranée.

 

R.-E. GASCON, de Dole,

Chevalier du Mérite agricole,

Officier d'académie.

 

Fontaine-française, 1901.

    (1) C'est à cette gare que j'ai vu la plus gros eucalyptus de la Mititdja. il mesure six mètres de tour et ses branches s'étendent et rayonnent à plus de dix mètres autour du tronc.

    (2) Le 15 avril 1842, un détachement de 22 hommes, escortant la correspondance de Boufarick à Blidah, fut soudainement enveloppé par 300 cavaliers arabes. Sommé de se rendre le sergent Blandan, chef de la petite troupe, répondit d'un coup de fusil ; un combat s'engage, 5 hommes seulement restent debout... Des secours arrivent à temps pour sauver ces braves dont Blandan faisait partie.

    (3) En Algérie on appelle calèche toutes les voitures à quatre roues et quatre places avec siège devant

    (4) Ces mains représentent des injures, des menaces aux roumis (chrétiens). Kamsas'Tah fi ainek oulib el kelb. Cinq doigts dans les yeux fils de chien si tu oses entrer dans mon gourbis, ma maison)