DOCUMENT 03

 

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Rapport sur l'état de culture des jardins de Blidah


Montpensier près Blidah le 7 octobre 1847


Monsieur le sous Directeur


Conformément à votre dépêche en date du 8 septembre dernier N° 2164, j'ai l'honneur de vous adresser ci inclus le rapport demandé par M. le Ministre sur l'état de culture des jardins de Blidah.

Déjà en 1846 par dépêche du 28 juillet N° 112,j'ai eu l'honneur de vous faire observer qu'au détriment des villages de Montpensier et de Joinville et de la culture arborescente, une étendue de culture potagère et maraichère bien plus que suffisante pour la consommation de Blidah et des environs, recevait sa presque totalité d'eau de l'oued el Kébir et que les 4/5 ou les ¾ au moins des légumes fournis par la culture potagère étaient des excédants de la consommation et servaient à la nourriture des porcs, à l'éducation desquels se livrent en général nos jardiniers qui afferment des jardins pour s'occuper de cette industrie. Pour palier aux inconvénients signalés plus haut, je proposais de ne pas accorder d'eau à ceux qui ne supprimeraient pas la majeure partie des légumes pour la remplacer par des plantations d'arbres ou par des pépinières.

Avant la crise pécuniaire qui existe malheureusement toujours, Blidah était peuplé bien plus qu'il ne l'est aujourd'hui. Les immeubles intra et extra muros étaient vendus et revendus à des prix énormes pour y établir des constructions, mais la population diminuait de jour en jour dès 1846, les constructions projetées devinrent inutiles pour l'intérieur de la ville et en partie impossible autour de son enceinte extérieure à cause des 1iere 2 ième et 3 ième zones militaires sur lesquelles il était défendu de bâtir. Les acquéreurs ont donc dû chercher un moyen quelconque pour qu'une partie de l'intérêt de leurs capitaux leur rentrât. Ils ont pensé aux jardins potagers qui sont les plus tôt établis et d'un plus prompt rapport et alors on a vu en culture des terrains incultes sur lesquels existaient avant d'anciens chemins abandonnés , des cimetières arabes, des habitations mauresques en ruine et à la fin de 1846 et de 1847 ont vu plus que doubler l'étendue des cultures potagères , tandis que la population de Blidah allait toujours en décroissant; mais peu importait aux propriétaires, puisqu'ils rencontraient des espagnols et des maltais qui s’engageaient à leur payer une redevance annuelle et se livraient à la culture des nouveaux jardins, sachant qu'ils vendraient peu de légumes mais qu'ils trouveraient la consommation de l'excédent de la vente en nourrissant des porcs. On a même été plus loin, on a converti en jardin potager d'une étendue immense, des terrains qui n'auraient jamais été affectés qu'à la culture des céréales.

Tout en augmentant l'étendue de la culture potagère, les propriétaires ne se sont pas occupés de l'eau nécessaire à l'arrosage de leurs terrains et l'Oued El Kébir qui déjà était insuffisant pour les irrigations de 1846, l'est tout naturellement cette année encore davantage, puisque l'étendue de culture à arroser ne peut être doublé.
Je citerai par exemple un propriétaire , Mr Hamel qui se trouve sur le canal du dit champ de manœuvre qui au mois de mai 1846 n'avait pas de culture potagère et qui cette année en possède au moins deux hectares qui absorbent toute l'eau qui lui est accordé et cela au détriment d'une orangerie qu'il possède au même endroit.

Plusieurs propriétaires ayant opéré dans la même proportion, la commission chargée de la répartition des eaux de l'Oued el Kébir et instituée par arrêté de Mr le Gouverneur Général en date du 15 janvier dernier a été obligée pour la conservation des orangeries qui ne sont pas en souffrance comme on l'a rapporté à Son Excellence M. Le Ministre pour la conservation des plantations de nos colons concessionnaires de Montpensier et de Joinville.

La commission dis-je a été obligée d'arrêter qu'il ne serait accordé de l'eau à chaque parcelle eu culture potagère et sans plantation que pour un hectare de quelque étendue qu'elle puisse être. Sans cette mesure qui n'a occasionné que le dépérissement de la portion des parcelles en potager qui excédaient un hectare, Nos orangeries, les jardins potagers eux-mêmes dont l'étendue n’excédait pas un hectare et les plantations des villages déjà cités seraient dans le dépérissement le plus complet, n'ayant pu recevoir chacun qu'une très faible quantité d'eau et c'est alors que des plaintes portées à M. le Ministre eussent pu être fondées. Que sera-ce l'année prochaine si la culture potagère s'étend dans les mêmes proportions que cette année?

Peut-être pourrait-on augmenter un peu le volume des eaux de l'Oued el Kébir, mais cela exigerait des travaux dont l'exécution demande un certain laps de temps, du reste ceci sort de mes attributions et je n'ai pas à m'en occuper.

Avant de terminer et pour vous mettre à même, Monsieur le sous directeur, de comparer les produits de la culture potagère avec la consommation de la ville, je crois devoir vous informer qu'à la fin de 1846, la population tant européenne qu'indigène de Blidah était de 7000 à 8000 âmes et que l'étendue de la culture potagère était de 139 hectares sans y comprendre 21 hectares appartenant aux maures de Blidah et tout approvisionnement que fournissent continuellement les arabes éloignés de la ville

Agréez......


L'inspecteur de la colonisation

Signé AUGOUARD