La MOUNA

Une recette - Des traditions

Remerciements à Violette R. pour sa participation

voir la recette de Jeannette

Dans son livre "Le Français d'Afrique du Nord", A.Lanly nous propose cette définition de la mouna.

"En Afrique du Nord la plus connue des spécialités espagnoles, celle qui a en quelque sorte valeur de symbole, est sans doute la mouna: c'est un gâteau de Pâques, une sorte de brioche ornée parfois d'oeufs durs, présentée sous forme de couronne et originaire  des provinces de Murcie et d'Alicante. M.Bataillon a établi, de manière à nos yeux certaine, que mouna (du valencien mona, dont le O est très fermé) représente l'adjectif latin munda, dans l'expression munda annona ou munda bucella qui désignait le pain de luxe de l'armée romaine.

Le lundi de Pâques tous les Espagnols et les Français d'origine espagnole des villes font la mouna. Cela ne signifie pas qu'ils préparent et cuisent ce gâteau mais qu'ils vont faire, en groupes, une partie de campagne au cours de laquelle, après beaucoup d'autres choses, on mange cette pâte briochée. On appelle parfois les participants des mounistes, mouneurs ou des mounéros"

Forêt de Sidi Ferruch

NDLR: On précisera que  les français d'origine non espagnole avaient aussi adopté cette coutume et que les lieux privilégiés pour la population blidéenne étaient la forêt de Souma, celle de Si Ferruch et aussi le barrage sur l'oued el Kébir. L'expression "casser la mouna" était aussi utilisée.

Forêt de Souma (1947)

Article paru en 1904

et cité par Claude Arrieu dans son essai  "Mouna, Mimouna, Achoura
Les fêtes de la convergence religieuse en Afrique du Nord, avant 1962"

Edition PyréGraph - juin 2003 - ISBN 2-908723-55-7

La Mouna (journal Le Blidéen, 1904)

" Le lundi de Pâques, il eut été très difficile de rencontrer âme qui vive dans les rues de Blida, tous les habitants, petits et grands, jeunes et vieux, étant allés comme à l'habitude faire un repas champêtre dans la campagne environnante, ou bien encore partis pour assister aux fêtes d'Alger.

La joie régnait en maîtresse, car le beau temps, dont nous étions privés depuis si longtemps, était enfin revenu et le soleil lui-même avait bien voulu se mettre de la partie.

Si la ville était triste et déserte, par contre il n'était pas un coin des environs qui ne fut occupé par une ou plusieurs familles installées sur l'herbe. On en rencontrait partout, sur les hauteurs avoisinantes, sur les routes de Dalmatie, de la Glacière, mais c'est surtout dans la vallée de l'oued-El-Kébir, à la Fontaine de la Fraîche, que les "mouneurs" s'étaient donnés rendez-vous et plus encore à Sid-Madani, au Camp des Chênes. En dehors de l'attrait qu'offrent en cette saison les Gorges de la Chiffa, les trains spéciaux organisés par la Compagnie des O-A, grâce à l'initiative de Monsieur Sauvagey, en rendaient en effet le voyage facile et accessible à toutes les bourses (600 voyageurs).

Quel qu'ait été d'ailleurs le site choisi, la bonne humeur fut la note dominante de ces agapes champêtres. Ce n'était partout que rires sonores et folles chansons, rondes et danses organisées aux sons plus ou moins harmonieux des guitares et des accordéons. Et si le soir, grisées par le grand air et le soleil, autant que par l'excellent vin de l'année, les têtes étaient un peu chaudes, si la gaieté était bruyante, tapageuse même, tout se passa bien, car il n'y eut ni querelles ni rixes à déplorer.

La nuit venue, les mouneurs reprirent à pied, en voiture, en chemin de fer, en automobile même, la route du logis. Après s'être séparés, les groupes rentrèrent chez eux, un peu lassés, mais satisfaits néanmoins de leur journée, en se promettant bien de se réunir à nouveau l'année prochaine, pour manger encore, suivant la vieille coutume algérienne, la traditionnelle mouna, sans laquelle il ne saurait y avoir de bon lundi de Pâques " .

(Extrait du journal : Le Blidéen N°5 du jeudi 07 avril 1904
Journal républicain, organe des intérêts locaux paraissant le jeudi et le dimanche

Toujours dans son essai Claude Arrieu propose d'autres origines possibles

Claude Arrieu s'attache à retrouver la vraie provenance de la Mouna à travers les traités d'histoire des religions, les voies de l'étymologie ou d'une chronologie historique plus récente. En Algérie, la colonie des Européens étant majoritairement d'origine espagnole à Oran, l'auteur a recherché la naissance de la brioche pascale catalane appelée Mona. Puis, faisant fi de toutes les légendes recueillies, il dirige sa prospection vers la province d'Alicante, seule ville d'Espagne qui depuis plus de trois cents ans façonne la Mouna, à Pâques.

 

C'est alors qu'intervient une tradition régionale valencienne qui évoque une vieille femme surnommée « La Mouna » pétrissant un pain avec la plus blanche des farines et des œufs les plus frais afin de guérir une Reine frappée d'un mal mystérieux. Ce « sein de la sultane » brun, arrondi, lisse et luisant émut le Roi qui donna le nom de Mona à ce gâteau.

 

Venue d'un passé religieux probablement préjudaïque, la coutume de la Mona pascale participe d'un rituel fort ancien qui suggère les fêtes des Mondas et la célébration du culte de Cérès, déesse romaine. Forme transcendée du blé, la Mona est associée à la commémoration de ce « Passage » qu'est la Résurrection du Christ suivie de l'Ascension.

Article tité du TELL du 20 Avril 1892

 

Le TELL 20 Avril 1892

 

Le TELL  Avril 1893