Blida – Quartier Bizot




Connaissez-vous le quartier Bizot ? Non ! Pas vraiment, alors laissez-moi vous le raconter.
Laissez-moi vous raconter cette histoire d’amour qui me lie à ce quartier, qui m’a vu grandir et puis aussi partir.
Le quartier Bizot possède et le jardin et la caserne. Je ne sais pas lequel a donné le nom à l’autre.
Le Jardin Bizot, bien connu de tous les potaches qui ont fréquenté le lycée Duveyrier, borde le quartier à l’ouest. A l’est, il y avait un reste de la vieille enceinte fortifiée de Blida. C’était le fortin. On l’appelait aussi «  La poudrière « . En face de ce fortin, il y avait une maison close «  La Patte de Chat « . Fréquentée fortement par et les militaires et par les civils. Très souvent, il fallait l’intervention de la police militaire pour calmer les ardeurs de quelques enragés, qui apparemment, ne tenaient pas l’alcool.




Au nord, commençait le quartier habité de la place de Lavigerie et de la rue Thiers.
Au sud, le terrain de jeu le plus extraordinaire pour un enfant à la recherche de sensations et de découvertes, l’oued  El Kébir et la montagne de Mimich.
Voilà, c’est dans cette espace, en forme de trapèze, que j’ai appris à rêver.
Un grand boulevard, le Bd de Strasbourg, traversait ce quartier d’ouest en est. Je ne me rappelle pas que ce Bd ait été un jour goudronné, mais il était bordé d’arbres, des frênes, de chaque côté. Mon lance pierres, ‘’ taouwel ‘’ ou tire boulettes comme disait ma maman, a fait des ravages parmi la gente ailée qui passait par-là. En face de la caserne, du côté nord, il y avait un terrain vague, envahi par les herbes folles, surtout les chardons. Une bande de bourricots venait quelques fois prendre un peu de bon temps quand le vieil arabe, qui habitait le long de l’oued, leur laissait le loisir après qu’ils avaient, inlassablement transporté des tonnes de gravier.

C’était pour nous le moment de jouer aux cow-boys. Mais apparemment, pour marcher, les ânes  ne devaient obéir qu’au vieil homme.
Il y avait, aussi, un gros platane creusé en son milieu par la foudre. Des grosses branches, autour du tronc, faisaient penser à des créneaux en haut d’une tour. C’était notre château fort.
Malheur à qui voulait s’en emparer.
Dans ce même terrain vague, il y avait une fosse où un vieux monsieur, parlant l’espagnol, élevait des cochons. Mes parents avaient droit à quelques soubressades au moment des cochonnailles.
Lorsqu’il arrivait, parfois, des invasions de criquets, les herbes en étaient envahies. C’était amusant de courir dedans. Les criquets s’envolaient et se reposaient derrière nous. On aurait dit l’eau qui s’écarte à l’avant d’un navire et qui se referme derrière lui.



Le long de la caserne était un endroit privilégié. Lorsque les jeunes recrues y faisaient leurs exercices, il n’était pas rare que nous nous joignions à eux avec notre carabine à patates.
A cet endroit, il y avait, pour la fête de l’Aïd el Kébir, un moment fort. Une vingtaine de trous était creusés, et les tirailleurs faisaient cuire les méchouis.
Ensuite, nous les gamins, nous allions déguster quelques morceaux en leur compagnie.



L’oued et Mimich, c’était l’aventure. Quand après une bêtise, je recevais une correction, je prenais mon lance pierres et je me retirais dans Mimich. J’en voulais au monde entier. Je rêvais de partir. Je me prenais pour Stanley ou Livingstone. Je connaissais chaque sentier. Je savais où trouver les grenades. Avec mon fidèle compagnon, le lance pierres, et les fruits, pour sûr je n’ai besoin de personne, pensais-je, mais le soir venu, je me disais que ce serait pour une prochaine fois.


A l’époque des gros orages, l’oued presque à sec, se mettait à gonfler rapidement.
Parfois, les flots étaient si puissants, que l’on entendait s’entrechoquer les blocs de pierre et les galets. En été, lorsque subsistait un mince filet d’eau, nous pataugions dedans et faisions des barrages.




 Il n’était pas rare de rencontrer une grande couleuvre. Malheur à elle quand nous l’attrapions.
Voilà mon quartier. Nous n’étions pas nombreux à nous le partager. Quelques fois, il y avait des enfants des gourbis, le long de l’oued, qui venait nous asticoter. Alors là, c’était la guerre.

Une caserne, un bordel, quelques habitations, un terrain vague, un oued, la montagne de MIMICH et des souvenirs plein la tête. C’était ça mon quartier Bizot.

Emile Schmitt