La piscine -  Mimich - Le quartier des moulins

 

En sortant de Blida par la porte El-Rabah, dite des Moulins, et en se dirigenat vers l'Oued El -Kebir, on remarque dans un bastion d'angle de l'ancienne fortification, un bâtiment surmonté d'un paratonnerre: c'est la poudrière de la place, une des premières constructions militaires; l'ancien arsenal est à côté.

Au-dessous de cette poudrière, le Génie Militaire avait en 1876, aménagé au moyen d'une dérivation des eaux du syndicat d'irrigation, une piscine.

Pendant plus de trente ans, les troupes de garnison usèrent, durant les mois d'été, de cette utile et hygiènique installation; l'eau qui l'alimente provient du trop plein de la source de la Fontaine Fraîche (Sidi-Kebir) qui actionne les moulins sur son passage.

Elle parvient donc à la piscine sans avoir été polluée sur son chemin et la traverse avec un courant assez prononcé pour en assurer une propreté constante; elle sert ensuite aux irrigations.

Il survint, il y a une vingtaine d'années, que la garnison de Blida eût à souffrir d'une épidémie de fièvre typhoïde qui, chose curieuse, n'atteignit particulièrement que certains corps et dans un certain corps les sous-officiers nourris dans une cantine en laissant indemnes ceux d'une autre. Certains imputèrent cette épidémie à l'absorbtion de vin tout récemment mouillé (?) par des eaux de pluie contaminées. Le service de santé envisagea toutes les causes possibles, sauf cette dernière, et par mesure de prévention, décida la suppression des bains dans la piscine militaire.

Tous les corps durent s'incliner devant cet interdit.

La municipalité de Blida -Mr Charles Messance,maire- convaincue de l'inocuité de l'eau dont elle connaissait bien le parcours, eût l'heureuse idée de louer cette piscine à l'autorité militaire et d'y faire quelques aménagements, afin  qu'elle fonctionnât pendant l'été, pour le plus grand bien  de l'hygiène et de l'étude de  la natation; ceux qui en pratiquait acquittaient une légère redevance  à un adjudicataire.

 

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Au sud se trouve une petite colline dénommée par les indigènes "Mimich", corruption de mechmach (abricot), sans doute parce qu'il devait y avoir beaucoup d'abricotiers aux alentours.

C'est sur cette colline, qu'après la rupture du traité de la Tafna en 1889, le général Duvivier fit placer deux pièces d'artillerie qui eurent tôt fait de  démonter un canon placé tout à côté, sur le Coudiat Beni Cheblat par Mohamed ben Allal, khalifat d'Abd-e-lkader.

 

Trumelet rappelle que ce canon, qui n'eut jamais d'autre succès que de casser la jambe à un inoffensif bourriquet, était parvenu tout de même à placer un boulet, près de l'arsenal dans le mur d'une maison mauresque où très longtemps demeura la trace.

Ce canon démonté fut pris et exposé devant le bureau de la place de Blida d'où, un beau jour, il disparut.

Sur la colline de Mimich fut ensuite édifié un fortin qui, plus tard,servit de casernement à la section de discipline du 1ier Tirailleurs. C'est là qu'étaient envoyées les plus mauvaises têtes du régiment, les incorrigibles.

Employés aux corvées pénibles de l'extérieur, ils étaient soumis à une discipline impitoyable et même cruelle: la crapaudine, par exemple, qui consistait à placer l'homme sur le dos au soleil, les deux pieds tenus dans une barre de fer. Il y avait aussi les silos, les cellules obscures, etc...

Tous ces affreux châtiments ont été depuis longtemps, supprimés pour l'honneur de l'humanité.

Combien nous préférions le châtiment infligé par nos escadrons de spahis de smalas aux mauvaises têtes, très rares il est vrai! Ce châtiment consistait à les exclure de l'armée de la façon suivante: Le Spahis, admis à servir la France, possédait une masse ou un pécule, un cheval et dix hectares à cultiver qui lui avait été concédés. Il perdait tout cela au jour de son indignité et lors de son exclusion, il était placé au centre de l'escadron formé en carré; deux gradés le dévêtaient complètement et il était chassé nu comme un ver. Il sortait du carré tout penaud, les mains croisées où l'on devine et il allait vite rejoindre les siens qui l'attendaient non loin de là avec une gandoura; nul ne revoyait plus jamais l'exclu dans la région.

Il faut reconnaître que le recrutement des tirailleurs n'était pas le même et qu'un pareil traitement n'aurait pas eu la même valeur sur eux; ils l'auraient peut être même recherché. Les peines corporelles seules comptent pour les turcos.

La section de discipline, lorsqu'elle a été retirée du fortin de Mimich, avait été tout d'abord transférée à Aumale. Elle n'existe plus aujourd'hui. Les bâtiments du fortin, qui n'étaient plus entretenus, se sont effrités et tendent à disparaître.

Le joli chemin carrossable bordé d'arbres qui y conduisait a subi des glissements de terrain à l'est et il n'existe plus que sur une faible distance.

On a, du haut de Mimich, une vue magnifique sur Blida ainsi que sur la plaine du Sahel.

 

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En remontant l'avenue des moulins, on trouvait autrefois à gauche la propriété Zille des Iles, où un vaste et beau jardin était cultivé par un fleuriste émérite et sympathiquement connu, M Raphaël Blasco.  Ce terrain a été alloti; il est  devenue la cité Gauthier. Un morceau de ce jardin a survécu quelques temps en face de la clinique du docteur Barillon; là étaient conservées les rares variétés de roses qui faisaient la beauté de l'endroit. Aujourd'hui, elles ont totalement disparu aussi. Tout a été transformé en villas, ainsi d'ailleurs que les terrains avoisinant le jardin Blasco.

Plus haut, à droite, après le marabout qui est enclavé dans les villas, habitait en 1868, le colonel Margueritte, commandant le 1ier Chasseur d'Afrique. La villa appartient aujourd'hui à Madame Aleman. Le colonel Margueritte était en 1870 général de division et il est mort glorieusement à Sedan, à la tête de ses chasseurs, en exécutant sur le plateau de Loing la fameuse charge qui arracha au roi Guillaume de Prusse cette fameuse exclamation: "Oh! les pauvres gens!"

Le général Margueritte, fils d'un grigadier de gendarmerie était né à Kouba, où on lui a érigé sa statue.

Lorsqu'il habitait Blida,un de ses fils, Paul, était au lycée d'Alger, où il fut un de nos condisciples, et il gardait près de lui son autre fils, Victor, pour lequel il souhaitait une carrière d'officier; il faisait monter ce dernier à cheval avec les enfants de troupe du régiment et il avait fait installer à sa villa un portique pour lui donner le goût de la gymnastique. Mais le rêve du général ne se réalisa pas. Après sa mort héroïque ses deux fils se vouèrent tous deux  aux lettres  où ils acquirent vite une belle notoriété. En collaboration, ils firent paraître quatre volumes sur la guerre de 1870, dont ils eurent tant à souffrir et portant ce titre général : Une époque (1). Chaque volume portait un titre différent: Le désastre, Le Tronçon du glaive, Les Braves gens et la Commune, avec cette dédicace:" En horreur et en haine de la plus odieuse des guerres"

Paul est décédé et Victor Margueritte, commandeur de la légion d'honneur, se vit récemment rayer de notre ordre national en raison du titre de son livre : La Garçonne (2)

 

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Tout en haut de l'avenue, on rencontre les moulins, qui sont au nombre de quatre: certains ont appartenu autrefois  à MM Boudon, Dalloust, Antoine Ricci, Giraud père et fils, trois sont la propriété des fils Ricci et le quatrième appartient à M.Salomon Bensaïd.

Trois de ces minotiers, MM Maurice et Henri Ricci et M.S.Bensaïd, ont créé à côté de leurs moulins des fabriques de pâtes alimentaires  qui ont vite acquis une grande renommée, grâce surtout à la qualité et à la pureté des eaux de la Fontaine Fraîche, dont la composition se rapproche de celle d'Evian et qui donne à ces pâtes une saveur et une facilité de cuisson exceptionnelles.

On remarque en haut de l'avenue des moulins, une rampe s'inclinant vers l'oued; là était l'ancienne route qui conduisait à son pont et à des  fours à chaux: le tout fut détruit, ainsi d'ailleurs que la conduite d'eau potable, en 1917 (3), lors d'une crue subite et formidable de l'Oued El-Kebir.

En avant et à proximité de la Fontaine Fraîche et du pittoresque cimetière de Sidi Kébir, qui a tant d'attrait pour les touristes, on voit encore près du lit de la rivière les vestiges de la fabrique de papiers de pliage Fortoul, qu'exploitait M.Joseph Gonzalvès et qui également fut entièrement détruite par cette crue.

La conduite d'eau potable qui était à l'est  de l'oued a été refaite à l'ouest et elle passe, ce qui n'est pas sans danger pour l'avenir, sur le pont nouvellement construit.

 

 

Commandant ROCAS

 

(1) 1897-1904

(2) 1922

(3) plus vraisemblablement en 1916