|   En  juillet 1956, le FLN avait décrété une grève
 générale.Cela touchait tous les détaillants du marché
 et l’approvisionnement de Blida en fruits et  légumes frais.Il
 y avait donc crise.La municipalité Baujard avait fait un appel aux
 jeunes volontaires pour remplacer les marchands grévistes.Les scouts
 dont je faisais partie avaient répondu à cet appel avec d’autres.Les maraîchers locaux de la plaine et du Sahel apportaient leurs
productions  au bâtiment de gros à coté des Halles aux
Tabacs.
 Des agents municipaux faisaient les achats et organisaient les livraisons
 au marché.Ils assuraient les distributions aux étals et nous
 fixaient les prix planchers et plafonds avec les quels nous devions flotter
 pour faire jouer des différences « concurrentielles ».On
 nous distribuer des enveloppes avec de la monnaie.Nous étions deux
 ou trois par banc.Nous préparions alors ces  étals avec
 nos ardoises et nos prix.
 Le marché était ensuite ouvert au public.Il s’emplissait
de  nos  cris et de nos appels aux clients. « Ici nos belles tomates
 ; « « Venez madame voir mes abricots », »Mes salades
 sont les plus fraîches »etc.…Le marché s’animait de partout
 avec ces jeunes de 14 ans à 17 ans.Il y avait une ambiance du tonnerre.On
 s’amusait au jeu de rôles sérieusement.Nous étions convaincus
 de notre responsabilité historique. Il ne fallait pas rendre de marchandises.
 A la fin nous soldions.Lorsque la fermeture sonnait, nous faisions nos comptes
 et rendions les sommes de nos ventes aux agents municipaux. ...Notre seul
 salaire : un panier ou deux de fruits et de légumes que nous ramenions
 à la maison et aux amis.
 En ce qui me concernait je remontais par la rue des Coulouglis pour rejoindre
 la Rue du Bey.Un peu angoissé car nous étions repérés.Cela
 a duré je crois une bonne semaine.Chaque matin le rythme était
 renouvelé et nous prenions de l’assurance dans notre « métier
 » amateur de marchands de légumes citoyens.
 Les blidéens avaient été alimentés, les producteurs
 avaient pu récolter et vendre,ils avaient été rémunérés
 par la ville et tout se termina très bien.
 Vitamines,sels minéraux,oligo-éléments,arômes,avaient
 pu être consommés,les femmes enceintes et les autres ont pu
en profiter comme les enfants.Donc si vous êtes forts et beaux aujourd’hui
 c’est parce que la grève de 1956 avait échoué. Pour récompenser tous ces valeureux jeunes et moins jeunes, le Maire
 organisa un riz avec transport en commun à la sortie de Blida.J’ai
 le papier d’invitation de M. Baujard.Quand je le retrouverai, il rejoindra
 les archives du site. Le papier pas le Maire.
 Je ne me souviens plus avec qui j’ai tenu l’étal, le même
pendant  une semaine, allée centrale, rangée de gauche.
 ( Gérard  ROBERTO)
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